Fille de Serigne Abass Sall, Halima, femme d’élite méconnue au service de son pays

L’érudition des femmes musulmanes africaines ne date pas d’aujourd’hui, en parcourant les livres d’histoire, nous lisons les noms de nombreux illustres érudites et saintes telles que Nana Asma’u Dan Fodio, Khadija bint Muhammad al-Daymaniya, Tut bint al-Tah, Khadijah al-Shinqitiya à travers des endroits comme l’ancien empire du Mali, la Mauritanie jusqu’au Nigeria.

 

Femme érudite et sainte

Ces femmes d’élites ainsi que beaucoup autres ont été l’épine dorsale de la communauté musulmane en Afrique, responsables de l’enseignement et de la formation de milliers de personnes, hommes et femmes.

Au Sénégal nous avons d’innombrables femmes qui ont fait la fierté de l’Islam à travers leur prosélytisme et leurs hauts faits d’armes l’image de Mame Asta Walo qui fut experte en fiqh Malikite et avait sa propre madrasa qui accueillait des centaines d’étudiants, hommes et femmes, qu’elle enseignait elle-même y compris son petit fils Shaykh Ahmad Bamba Mbacké. Sans omettre de mentionner les Shaykha Ruqayya et Mariama Niass filles de l’éminent érudit Shaykh El Hadji Ibrahima Niass, à l’image de leur père, eux aussi ont notablement contribué à porter haut l’étendard de l’Islam à travers l’enseignement. Ruqayya Niass est aussi écrivaine, ses livres «Enseignement primaire des enfants musulmans», «Conseils maternels pour les filles musulmanes» et «Droits des femmes dans l’islam» ont été largement diffusés et utilisés comme manuels dans les programmes des écoles islamiques traditionnelles d’Afrique de l’Ouest. Mariama Niass quant à elle a fondé une des plus grandes écoles du Sénégal où on enseigne le Coran et les sciences islamiques et dont les ressortissants qui se comptent par millier contribuent au développement du pays et au rayonnement de l’Islam. Cependant, lorsque l’on parle de ces figures, très peu font mention d’une autre femme érudite et sainte qui elle aussi portait haut l’étendard de l’Islam, il s’agit du Dr Halima Sall fille de l’éminent savant et écrivain prolifique, Shaykh Abass Sall.

Parcours

Née à Louga en 1961 dans un environnement baigné par l’ambiance des études autour de l’Islam dans la Madrassa de son père. Elle débute les études coraniques à l’âge de 7 ans, à 13 ans déjà elle mémorise le livre saint. Son maître coranique lui donne alors une trentaine de disciples dont elle s’occupe de leur apprentissage. En parallèle avec ses études à l’école française, elle débute l’étude des sciences islamiques telles la jurisprudence (fiqh), la grammaire (nahwu) et l’étude des hadith. Très tôt elle fait montre d’un amour exacerbé pour le coran et les sciences inhérentes à sa lecture telles le Tajweed, son père Shayh Abass Sall ne cessera de l’exhorter à se tourner vers les sciences Coraniques. Conseils qu’elle prendra très à coeur et qui auront tout leur sens durant le reste de sa vie.

600 personnes étudiées avec elle

Après son mariage, Halima voyage en compagnie de son mari au Caire en Egypte au début des années 80. Durant son séjour dans cette cité du savoir, elle ira suivre des cours avec un des Shaykh de l’université al Azhar en l’occurrence le fameux Shaykh Abd Al Jabbar à la mosquée Mustafa Mahmud où elle étudiera les techniques de récitation du Coran par la méthode Hafs et Warsh jusqu’à 1984. Puis elle déménage aux Emirats Arabe Unis avec sa famille, dans son nouvel environnement, l’amour qu’elle a pour les études ne la quitte pas. Elle émis le voeux de poursuivre ses études, mais faute de “shahada” certificat attestant de son niveau, elle fut obligée de reprendre à partir du premier cycle puis le lycée jusqu’à son admission à l’université. Ce qu’elle fit avec courage, amour et détermination cumulant ses devoirs d’épouses et mère de famille avec ses études mais aussi avec l’enseignement du Coran qu’elle faisait le matin avant de continuer avec ses études le soir, ainsi elle a enseigné dans beaucoup de lieux des Emirats, à Dubai, Ras Khaimah et Sharjah, elle totalise à ce jour le nombre impressionnant de plus de 600 personnes ayant étudiées avec elle, une prouesse louable et qui mérite d’être citée en référence.

Bibliographie

Ses efforts seront couronnés par l’obtention de son Baccalauréat en Charia et études islamiques à l’Université de Sharjah en 2001 suivi d’une Licence puis d’un Master en interprétation et hadith en 2008 et récemment elle a obtenu son doctorat haut la main à la faculté de la charia et des études islamiques de l’Université de Sharjah, sa thèse a porté sur l’explication du magistral Poème Alawite d’Ibn Al-Qasih.

Nommée par la suite enseignante assistante au Collège de la charia et des études islamiques de la même université, elle poursuivra sa noble mission d’enseignement à l’image de son vénéré père qui a ouvert les yeux par l’éducation à des milliers de personnes au Sénégal.

Le Docteur Halima Sall est aussi auteur de plusieurs articles de recherches et ouvrages autour du Coran dont l’excellent “Qira’at Rawaita Warsh et Hafs” une étude analytique comparative autour de ces deux méthodes de lecture du Coran, ainsi que le plus récent et volumineux “Espoirs satisfaisants dans l’explication du poème alaouite” qui a été édité à Dubaï en 2017.

Femme d’élite

Il est évident que la “baraka” du Coran vers laquelle le poussait le Shaykh Abass Sall, a surélevé cette femme d’élite parmi ses semblables. Malgré les devoirs quotidiens inhérents à la vie d’épouse et de mère de famille, combinés avec une vie d’enseignante chercheuse ou même de trouver du temps pour se consacrer à l’écriture d’ouvrage de qualité qu’elle a produit, relève quasiment du miracle. Mais c’est sans compter sa détermination héritée de l’entourage où elle a été élevée. Son rôle ne s’est pas seulement limité à la sphère religieuse mais elle oeuvre aussi sans cesse dans le social, en créant des orphelinats et en aidant les moins nanties au Sénégal et en construisant des espaces d’enseignement islamique pour former des hommes et des femmes qui seront demain l’épine dorsale de la société de manière manifeste. L’exemple de la vie de Dr Halima Sall est un modèle inspirant pour la Ummah et une alternative rafraîchissante aux stéréotypes modernes que des forces tapies dans l’ombre essayent d’imposer comme une norme à la femme musulmane d’aujourd’hui.

Idrissa Dioum